Concours Complet d'Equitation - CCE

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mai
17

Le temps des chevaliers

written by Christophe

Comme tout cavalier de complet …

Petite parenthèse : « on va dire que j’en suis un, même si je connais ma modeste place au milieu de tous ces cavaliers chevronnés qui méritent mille fois plus cette appellation honorifique que moi. Mais pour simplifier et pour donner un sens à ma passion, soyons quelque peu prétentieux et saisissons-nous de ce titre ». Je ferme la parenthèse. 

Je disais donc, comme tout cavalier de complet, je suis régulièrement à l’entraînement en extérieur qui caractérise le travail dehors, du mental, du souffle, de l’endurance, de la souplesse et de la force des chevaux de CCE et même de leurs cavaliers. Mais comme tout travail, il y a parfois besoin de moment de relâche, de calme. 

C’est à l’occasion d’un de ces moments, qu’un jour, j’ai emprunté au bout d’une route plus ou moins reculée au milieu de notre campagne limousine, un chemin qui s’avérait sans issue. Ce chemin arrivait à des prés, qui semblaient par les nombreux rejets présents de mauvaises herbes, abandonnés depuis longtemps. J’allais faire demi-tour, lorsque je mes yeux se portent sur une coulée. Ce terme caractérisant le passage d’animaux sauvages, bien connu dans le langage des chasseurs, certainement à cet endroit des chevreuils et des sangliers. Je pouvais essayer de passer. Dans le pire des cas je mettrais pieds à terre et serai bon pour revenir sur mes pas. 

J’empruntais donc ce sentier sauvage qui après quelques dizaines de mètres difficiles s’avérait « chevauchable » au pas sans trop baisser la tête.  

C’est là que j’ai éprouvé un sentiment étrange. Un sentiment d’être au milieu de nul part, perdu entre le passé et le présent, entre le monde des chevaliers et celui de notre monde « civilisé », peut être entre un monde encore plus ancien ou peut être celui qui existera dans quelques  milliers d’années. 

Il y a bien une route derrière la colline, je devrais entendre du bruit, des voitures. Rien ! 

Bizarrement une sorte de très léger voile brumeux est là, alors que partout autour il fait beau. 

C’est sur, des chevaliers passaient autrefois ici. Une buse fait jacasser quelques geais et seuls leurs cris me fait dire que je ne suis pas seul au monde avec mon noble destrier. Je traverse donc ce passage qui va peut être m’amener vers une terre éloignée, un temps lointain. 

Le versant de colline sur lequel je suis, laisse à penser par ce calme presque inquiétant, que des barbares vont dévaler la pente en criant des mots qui n’ont plus été parlés depuis des centaines d’années. 

C’est à ce moment que j’ai éprouvé un sentiment de sérénité, de communion. Il y eu un temps où les hommes voyageaient, où leur cheval était plus garant de leur survie que ne pouvait l’être leurs armes, ou certains de leurs compagnons. Que pouvaient éprouver ces hommes perdus sur des sentiers sans borne, le jour, la nuit, sans carte précise, seuls sur leurs chevaux à traverser les forêts et les plaines, de territoires hostiles qu’ils ne savaient même pas nommer. 

Que ferions nous, nous les hommes civilisés, aujourd’hui dans ce monde perdu depuis peu, alors que désormais pour nous, seul compte la productivité, la peur de s’éloigner de la norme. Que ferions nous ? 

Certes, certains d’entre nous se mettent en situation dans le Larzac, à vélo, en moto, à pieds, même à cheval, voir dans des contrées plus exotiques encore, mais toujours avec un téléphone portable, un GPS, des cartes précises à 100 ou 10 mètres prés, une assistance technique, des secours à proximité et des gens prêts à intervenir si le pointage au rendez-vous planifié n’est pas fait à l’heure. 

Enfin, aujourd’hui, ce dépaysement virtuel est le seul moyen de revenir vers la source de nos ancêtres. 

Moi je trouve cette sensation comme ça, à cheval, dans ma campagne limousine, au milieu de rien, mais surtout au milieu de tout. 

Pour quelques minutes j’ai été un chevalier, sans époque !